Bitcoin - De plus en plus de commerces suisses acceptent les paiements en monnaie cryptée, dont les partisans se recrutent maintenant bien au-delà du cercle des geeks et des anarchistes. Il est devenu difficile aujourd'hui pour l'amateur de "miner du bitcoin".
Au Kafi Schoffel à Zurich, la machine à bitcoin trône depuis 18 mois dans un angle derrière le bar. Chacun peut venir y glisser des billets de banque pour charger son « paperwallet », son compte en bitcoins identifié par la machine grâce à un code HQ. L’engin a déjà délivré près de 600 francs en bitcoins.
Le bar du Niederdorf qui accepte les paiements dans la monnaie cryptée est un repaire de fans. « Je touche tous mes pourboires en bitcoins. Je n’y touche pas, ce sont mes économies », affirme le serveur Sean Meaders. Une fois par mois s’y tient un « Bitcoin talk » organisé par l’intermédiaire de la plateforme MeetUp qui réunit un groupe « Bitcoin Meetup Switzerland» de près de 500 membres. De telles rencontres ont maintenant lieu aussi à Genève, Bâle et Zoug.
« Le bitcoin est en train de sortir du cercle des initiés en Suisse, constate Alexis Roussel (34 ans), fondateur de la plateforme de trading SBEX. Depuis douze mois, c’est l’effervescence. Les firmes nouvellement créées ont recours aux services de juristes, comptables et banquiers conventionnels qui découvrent les perspectives offertes par ce nouveau système. Bien sûr, il y a des sceptiques mais la plupart sont fascinés. »
SBEX s’est associée avec la société canadienne BitAccess, leader mondial de distributeurs automatiques (ATM) de bitcoins, pour déployer un vaste réseau dans toute la Suisse. Une des premières machines a trouvé place à la Crêperie des Pâquis, à Genève.
Le bitcoin, c'est quoi ?
Le bitcoin est une monnaie virtuelle créée en 2009 par un développeur japonais connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto. Elle s’échange de gré à gré via des plateformes internet et peut être convertie contre des devises réelles. Si la demande est forte, le bitcoin monte, si elle est faible, il baisse. Il n’y a pas de banque centrale, ni d’émetteur de monnaie. Le réseau s’autocontrôle.
L’intérêt de chacun des utilisateurs à ce que l’ensemble fonctionne garantit la bonne marche du tout. Dans le but de prévenir toute inflation, il est programmé que 21 millions de bitcoins seront générés d’ici à un siècle. Aujourd’hui, quelque 13 millions d’unités sont en circulation.
« Le bitcoin, c’est le moyen pour le citoyen de prendre le contrôle de ses finances. Avec le bitcoin, l’internaute connecte son argent à un réseau qui lui permet d’effectuer lui-même ses paiements sans passer par une banque ni payer de commissions », explique Alexis Roussel.
Voilà pour le principe de base de toute monnaie virtuelle. De l’avis général, nous allons inévitablement basculer vers une société où les transactions pourront se faire électroniquement, de particulier à particulier, simplement parce que la technologie le permet.
« Miner du bitcoin » : une concurrence féroce Etudiant en informatique, Raphael Voellmy (25 ans) est un précurseur qui dès 2012 a « miné du bitcoin », c’est-à-dire qu’il a gagné de la monnaie en résolvant d’inextricables problèmes mathématiques. « Cette monnaie va très vite passer dans l’usage courant, en parallèle de la monnaie traditionnelle, même si les principes de cryptage vont sans doute rester obscurs à la majeure partie de la population. »
A qui le bitcoin va-t-il rapporter de l’argent ? Le visage de Raphael Voellmy se fend d’un large sourire : « Aux premiers venus! A ceux qui se lancent maintenant. »
C’est bien sûr un pari à risques. Personne ne peut exclure que le bitcoin disparaisse au profit d’une autre solution et perde toute valeur. L’attaque informatique et la faillite spectaculaire de la plateforme d’échange MtGox, en février dernier, avait alors jeté le discrédit sur le bitcoin: 850'000 unités (plus de 510 millions de francs au cours actuel) s’étaient volatilisées.
Ce n’était toutefois pas le bitcoin qui était en cause - la sécurité de la monnaie est resté inviolée – mais l’incurie des gérants de l’entreprise. « Cette débâcle contribue à l’assainissement du marché, avec pour conséquence une élévation du niveau d’exigence », considère Alexis Roussel.
« Toujours est-il que le réseau bitcoin est de loin le plus développé et que sa sécurité actuelle est difficilement rattrapable par la concurrence », considère Adrien Treccani (28 ans), co-fondateur de Verso Solutions doctorant au Swiss Finance Institute. Certains petits malins ont déjà fait fortune dans le bitcoin, en Suisse aussi, rapporte Alexis Roussel, également président du Parti Pirate Suisse et vice-président - sur le départ - de la Swiss Bitcoin Association.
Il suffisait d’acheter suffisamment tôt du bitcoin - à l’origine en 2009 à parité avec le dollar - pour le revendre aux alentours du record de novembre 2013, lorsqu’il a culminé à 1124,76 dollars. « Certains ont multiplié leur mise par 600 en 2 ans. Il y en a qui regrettent d’avoir vendu. D’autres réinvestissent leur gains dans l’industrie du bitcoin », note Alexis Roussel.
L’argent est créé pour rémunérer des utilisateurs qui résolvent un problème mathématique complexe améliorant la sécurité du réseau où s’échange la monnaie. Ce qu’on appelle « miner » du bitcoin. La concurrence entre des milliers de mineurs est devenue féroce.
Quelques acteurs disposant d’ordinateurs à grande puissance se sont maintenant installés, ne laissant que peu de chance d’aboutir à l’amateur. « Il aura beau faire tourner ses machines nuit et jour, les quelques centimes qu’il pourra éventuellement gagner seront engloutis par les frais d’électricité », considère Adrien Treccani.
Aujourd’hui, le marché du bitcoin pèse environ 8 milliards de dollars, estime Adrien Treccani. Entre 50 000 et 70 000 commerçants l’acceptent dans le monde. « C’est une progression exponentielle par rapport à l’année dernière. » En Suisse, Zurich est la ville où la monnaie est la plus largement acceptée avec une cinquante d’enseignes. Suivent la région lémanique (14), Berne (5) et Bâle (5). A visualiser sur Coinmap.org.
Source : Bilan.ch